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Le mouvement Dada

Dada n'a pas pris une ride

Voilà pourquoi, partout dans le monde, les découvertes ont jailli sous la baguette des dadaïstes : que ce soit la domestication de "l'art" photographique au moyen du photomontage cher aux Berlinois Hausmann et Heartfield ou des "Rayogrammes" de l'Américain Man Ray ; la remise en question du processus de connaissance rétinienne par les "machines optiques" de Duchamp ou les "transparences" de Picabia, annonciatrices de l'Op Art ; ou encore l'abolition du culte de la personnalité, trop répandu chez les peintres et les marchands, par le recours aux oeuvres en collaboration (Fatagaga de Cologne ou Cadavres exquis de Paris) et aux appropriations d'objets usuels (Duchamp, Picabia, Man Ray ou Schamberg).

On pourrait ainsi longtemps suivre les incursions de Dada aux diverses frontières de l'imagination humaine. Et c'est sans doute cette polyvalence qui explique le regain d'intérêt dont il bénéficie de nos jours de la part de plasticiens appartenant à des bords souvent opposés. C'est également pourquoi l'aventure dadaïste colle si étroitement à la sensibilité du XXe siècle dont nous voyons bien qu'il aura été dominé par un besoin de révolte systématique contre les formes existantes, en politique, en littérature et dans les arts : contre toute forme, parce qu'elle est forme, et donc limite.

La grande leçon de Dada, tacitement transmise à ses successeurs, n'est point, on le voit, leçon d'esthétique, mais de philosophie : sur le bon usage de la révolte. C'est en remettant sans cesse en question, patiemment, obstinément les vérités apparemment les mieux assises, que l'homme prendra conscience de sa destinée collective : "Je me révolte, donc nous sommes", dira Camus. Contre sa propre attente et contre son gré, Dada a vu surgir de son nihilisme de nouveaux concepts esthétiques, apprenant ainsi à ses dépens que si l'art est difficile, il est encore plus difficile à l'homme de ne pas créer.


489 SIGNES SUR DADA

Dada, c'est l'Histoire de l'Art contre le mur, les mains sur la tête et
DADADADADADADADADADADADADADADADADADA
DADADADADADADADADADADADADADADADADADA
DADADADADADADADADADADADADADADADADADA
DADADADADADADADADADADADADADADADADADA
DADADADADADADADADADADADADADADADADADA
DADADADADADADADADADADADADADADADADADA
DADADADADADADADADADADADADADADADADADA
DADADADADADADADADADADADADADADADADADA
DADADADADADADADADADADADADADADADADADA
DADADADADADADADADADADADADADADADADADA
DADADADADADADADADADA
DADA, comme la mitrailleuse crépite.

Hélios Azoulay - 5 février 2011

Tristan Tzara - Chanson dada (1923)

I

la chanson d'un dadaïste
qui avait dada au coeur
fatiguait trop son moteur
qui avait dada au coeur

l'ascenseur portait un roi
lourd fragile autonome
il coupa son grand bras droit
l'envoya au pape à rome

c'est pourquoi
l'ascenseur
n'avait plus dada au coeur

mangez du chocolat
lavez votre cerveau
dada
dada
buvez de l'eau

II

la chanson d'un dadaïste
qui n'était ni gai ni triste
et aimait une bicycliste
qui n'était ni gaie ni triste

mais l'époux le jour de l'an
savait tout et dans une crise
envoya au vatican
leurs deux corps en trois valises

ni amant
ni cycliste
n'étaient plus ni gais ni tristes

mangez de bons cerveaux
lavez votre soldat
dada
dada
buvez de l'eau

III

la chanson d'un bicycliste
qui était dada de coeur
qui était donc dadaïste
comme tous les dadas de coeur
un serpent portait des gants

il ferma vite la soupape
mit des gants en peau d'serpent
et vient embrasser le pape

c'est touchant
ventre en fleur
n'avait plus dada au coeur

buvez du lait d'oiseaux
lavez vos chocolats
dada
dada
mangez du veau


À 40° au-dessus de Dada

Extrait :

Dada est une farce, une légende, un état d'esprit, un mythe. Un mythe bien mal élevé, dont la survie souterraine et les manifestations capricieuses dérangent tout le monde. André Breton avait tout d'abord pensé lui faire un sort en l'annexant au surréalisme. Mais la plastique de l'anti-art a fait long feu. Le mythe du NON intégral a vécu dans la clandestinité entre les deux guerres pour devenir à partir de 1945 avec Michel Tapié la caution d'un art autre. La négativité esthétique s'est changée en doute méthodique grâce auquel allaient enfin pouvoir s'incarner des signes neufs. Table rase à la fois nécessaire et suffisante, le ZERO Dada a constitué la référence phénoménologique du lyrisme abstrait : ce fut la grande coupure avec la continuité de la tradition, par où déferla le flot bourbeux des recettes et des styles, de l'informel du nuagisme.

Contrairement à l'attente générale, le mythe dada a fort bien survécu aux excès du tachisme ; ce fut la peinture de chevalet qui accusa le coup, faisant s'évanouir les dernières illusions subsistantes quant au monopole des moyens d'expression traditionnels, en peinture comme en sculpture. Nous assistons aujourd'hui à un phénomène généralisé d'épuisement et de sclérose de tous les vocabulaires établis : pour quelques exceptions de plus en plus rares, que de redites stylistiques et d'académismes rédhibitoires !

À la carence vitale des procédés classiques s'affrontent – heureusement –certaines démarches individuelles tendant, quelle que soit l'envergure de leur champ d'investigation, à définir les bases normatives d'une nouvelle expressivité. Ce qu'elles nous proposent, c'est la passionnante aventure du réel perçu en soi et non à travers le prisme de la transcription conceptuelle ou imaginative.

Quelle en est la marque ? L'introduction d'un relais sociologique au stade essentiel de la communication. La sociologie vient au secours de la conscience et du hasard, que ce soit au niveau de la ferraille compressée, du choix ou de la lacération de l'affiche, de l'allure d'un objet, d'une ordure de ménage ou d'un déchet de salon, du déchaînement de l'affectivité mécanique, de la diffusion de la sensibilité chromatique au-delà des limites logiques de sa perception. Les nouveaux réalistes considèrent le Monde comme un Tableau, le Grand oeuvre fondamental dont ils s'approprient des fragments dotés d'universelle signifiance. Ils nous donnent à voir le réel dans des aspects de sa totalité expressive. Et par le truchement de ces images spécifiques, c'est la réalité sociologique toute entière, le bien commun de l'activité des hommes, la grande république de nos échanges sociaux, de notre commerce en société qui est assigné à comparaître.

Dans le contexte actuel, les ready-made de Marcel Duchamp (et aussi les objets à fonctionnement de Camille Bryen) prennent un sens nouveau. Ils traduisent le droit à l'expression directe de tout un secteur organique de l'activité moderne, celui de la ville, de la rue, de l'usine, de la production en série. Ce baptême artistique de l'objet usuel constitue désormais le "fait Dada" par excellence. Après le NON et le ZERO, voici une troisième position du mythe : le geste anti-art de Marcel Duchamp se charge de positivité. L'esprit Dada s'identifie à un mode d'appropriation de la réalité extérieure du monde moderne.

Le ready-made n'est plus le comble de la négativité ou de la polémique, mais l'élément de base d'un nouveau répertoire expressif. Tel est le nouveau réalisme : une façon plutôt directe de remettre les pieds sur terre, mais à 40° au-dessus du zéro de Dada, et à ce niveau précis où l'homme, s'il parvient à se réintégrer au réel, l'identifie à sa propre transcendance, qui est émotion, sentiment et finalement poésie, encore....

Pierre RESTANY - Le Manifeste des nouveaux réalistes

Monument Dada

Mentionnons, parmi les nombreux et très divers projets réalisés par l'Association culturelle et littéraire « Tristan Tzara », fondée en 1991 par Vasile Robciuc, l'impressionnant (8 m x 12 m) monument dédié à Dada et à son fondateur, conçu par le sculpteur allemand Ingo Glass et érigé à Moinesti, sur les lieux mêmes de la naissance roumaine de Tristan Tzara.

Pour obtenir des renseignements sur les activités et productions de cette dynamique association, s'adresser à :

M. Vasile Robciuc
Strada Vasile Alecsandri, Bloc C, Etaj III, Apart. 10
Moinesti, Judetul Baciu, Codul 5478, Roumanie.

E-mail : vasilerobciuccla@yahoo.com
Fax : 0040234364383